Début avril, le Conseil fédéral rejetait un train de mesures d’aide d’urgence aux médias d’un montant de 78 millions de francs. Aujourd’hui, le DETEC a annoncé que la redevance radio-tv des ménages, qui sert à financer le service public audiovisuel en Suisse, sera réduite de 30 francs à partir du 1er janvier 2021. Le montant annuel revenant à la SSR sera augmenté de 50 millions de francs. De même, les radios et télévisions privées ayant un mandat de service public ainsi que Keystone-SDA-ATS bénéficieront d’une légère augmentation de leurs moyens. Cela est certes réjouissant mais ce n’est aux yeux du SSM qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Un apport financier aux prestataires audiovisuels ayant un mandat de service public peut être utile dans la crise actuelle. La réduction de la redevance de réception qui vient d’être annoncée ne l’est pas.
La pandémie de Covid-19 a presque complètement paralysé le marché de la publicité, déjà en déclin rapide. Cette évolution compromet la diversité des médias et menace la pluralité des opinions en Suisse. Privés de mandats et donc de revenus, les professionnels des médias indépendants et freelances ne peuvent pas bénéficier des mesures de soutien au titre de la crise du coronavirus. Presque tous les groupes médias de Suisse ont recouru au chômage partiel bien que de nombreuses rédactions soient plus sollicitées qu’avant la crise. Les premiers licenciements ont déjà été annoncés. Une reprise du marché de la publicité n’est pas prévisible. Il est donc clair que les entreprises de médias devront encore faire face l’année prochaine à des pertes de revenus considérables.
Au vu de ces perspectives, baisser la redevance radio-tv et ainsi affaiblir l’un des deux socles de financement de l’audiovisuel de service public est un affront supplémentaire aux professionnels des médias. En assurant au public une information crédible, fiable, diversifiée et complète, les médias de service public jouent un rôle central dans cette crise. Ces dernières années, des réductions massives de personnel ont été opérées dans les médias et les budgets pour les freelances ont été réduits à pratiquement zéro. Or, pour un encadrement critique des news et des informations, il faut un nombre énorme de professionnels des médias bien formés, qu’ils bénéficient d’un contrat fixe ou travaillent en freelance. Au lieu de réduire les effectifs, il faudrait les augmenter. La situation actuelle montre plus que jamais à quel point un journalisme critique est vital pour notre société.
En renonçant dès le début du mois d’avril à des mesures immédiates en faveur des entreprises de médias et des professionnels des médias, en annonçant ensuite l’affaiblissement du service public audiovisuel, le Conseil fédéral risque un bouleversement du marché dont l’issue est incertaine. Un quitte ou double qui n’est certainement pas dans l’intérêt de la population suisse.